Août 1916

Le mardi 1^er août 1916.

Branle-bas à 5 h. Tenue de charbon pendant le déjeuner et la séance recommence pour finir dans la matinée. En tout cela fait 1000 tonnes de charbon d'embarquées. Ce midi, bœuf bouilli pommes de terre, fromage et jus. Je suis de service aux treuils aujourd'hui. Peinture du bâtiment de la flottaison au pont. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au lait. Délivrance de savon d'habillement, 2 kg au maximum. Changement de hamacs pour les deux bordées. Un courrier pour la France par via New-York part ce soir. Il pleut aussi ce soir mais n'empêche qu'il fait encore très froid. Permissionnaires 4ème division de 17 h à 21 h, les bâbordais double de terre et les tribordais de quart.

 

Le mercredi 2 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Lavage de linge, hamacs, des grands sacs, briquage de bancs et tables par bordées jusqu'à 9 h. Ce midi bœuf bouilli, pommes de terre, beurre et jus. A midi trente au travail. Permissionnaires 1^ère division de 18 h à 21 h. Je vais à terre, fais quelques achats nécessaires, visite la citadelle d'Halifax où sont enfermés les prisonniers allemands, puis fais une petite excursion en ville. Je mange à terre. A 21 h à bord comme les collègues.

 

Le jeudi 3 août 1916.

branle-bas à 5 h. A 6 h au travail. Changement de grands sacs. Inspection de l'amiral anglais à 9 h 45. Le navire est frais peint intérieurement et extérieurement, l'amiral anglais a l'air satisfait de son inspection, il est venu suivi de son état major et a passé dans les rangs de l'équipage comme les amiraux français. Permissionnaires bâbordais de 13 h à 18 h. Je descends à terre avec l'équipe de football de 13 à 20 h, nous nous rencontrons sur le terrain de la citadelle avec l'équipe première du croiseur H.M.S."Niobe", (battant école anglais, pour les chauffeurs). Le match commence à 16 h 30, il ne se joue que 1 h 15. L'équipe du "Niobe" bat la "Marseillaise" par 3 buts à 2. La première mi-temps, les Anglais marquent 2 buts et nous zéro, à la fin de la 2ème mi-temps, une demi-minute avant la fin de la partie, l'équipe du "Niobe" marque un 3^ème but par un coup manqué d'un de nos arrières, sur une tête de leur avant centre. La partie finie, nous rentrons à bord et mangeons car on nous attend. Ragoût de bœuf aux pommes de terre et beurre. Un courrier est arrivé aujourd'hui, je reçois une lettre.

 

Le vendredi 4 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Volontaires pour la messe partent à 9 h 30. Un détachement de 200 marins du bord (sans armes), assiste à la kermesse qui a lieu à la cathédrale en l'honneur de l'anniversaire de la 2^ème année de guerre. Des détachements de marins des navires anglais viennent à la rencontre de ceux du bord et partent ensemble musique en tête. Ce midi ragoût de bœuf aux pommes de terre, fromage et jus. Permissionnaires 3^ème division de 16 h 30 à 20 h 30. Équipe de sports de 17 h 30 à 20 h 30. De nombreux matelots font la pêche sur le quai. Il y a un remue-ménage à bord, il est question d'appareillage. Des hommes malades et convalescents débarquent au nombre de 7 pour prendre un paquebot anglais qui les emmènera en France.

 

Le samedi 5 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. A 5 h allumage des feux, 3^ème quart d'allumage, je fais partie de ce quart et l'assure au servomoteur, de 5 à 7 h. A 7 h, chacun son poste, il y a une brume très épaisse l'appareillage est retardé. A 9 h 45 nous appareillons malgré la brume qui est encore assez épaisse. Ce midi morue bouillie, pommes de terre, beurre. L'heure est retardée de 1 h 30. En mer il y a une forte houle de fond, que nous prenons en cap et qui fait tanguer et rouler le navire. Il n'y a pas de vent. Nous ne marchons pas très vite car la brume est des plus épaisses, on ne voit pas à 20 mètres. Ce soir jambon purée, riz au four, j'ai le quart de 14 à 17 h au servomoteur.

 

Le dimanche 6 août 1916.

branle-bas à 6 h. Biscuits ce matin, il n'y a pas de pain au déjeuner. Il ne fait pas chaud du tout, la brume est froide et malsaine. Cette nuit j'ai fait le quart de minuit à 3 h au servomoteur. Un bœuf est abattu ce matin. Ce midi bœuf bouilli pommes de terre en robe, beurre et jus. Je commence ma semaine de plats ce midi, encore une semaine de misère qui se prépare. J'ai le quart de 11 à 14 h au servomoteur. L'heure est retardée de 15 minutes. La brume ne se dissipe pas de la journée, par ailleurs la mer est calme. Ce soir ragoût de bœuf aux fayots rouges et blancs, confitures. J'ai le quart de 21 h à minuit. Quatre moutons sont abattus pour demain.

 

Le lundi 7 août 1916.

Branle-bas à 6 h. La brume est des plus intense, on ne se voit pas sur la largeur du navire, aussi marche-t-on très doucement, la sirène corne alternativement toutes les minutes, le plus grand silence est observé sur le pont afin que si un navire se trouve dans le voisinage on puisse l'entendre. Ce matin biscuit au déjeuner. J'ai le quart de 7 à 11 h. A 11 h en quittant le quart nous stoppons pour arraisonner un cargo battant pavillon norvégien, une baleinière va à bord puis revient, nous repartons, un autre vapeur est en vue. Ce midi ragoût de mouton aux fayots blancs, fromage de hollande et jus. L'heure est retardée de 17 minutes. A midi 30 nous arraisonnons le deuxième cargo, celui-ci aussi bat pavillon norvégien. La brume s'est beaucoup dissipée. L'heure est retardée de 17 minutes. Ce soir, jambon purée, riz au lait. J'ai le quart de 17 à 21 h. Un bœuf est abattu ce soir pour demain. Rien de nouveau dans la nuit.

 

Le mardi 8 août 1916.

Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h servomoteur. Branle-bas à 6 h. Biscuits au déjeuner. Avant 7 h un torpilleur américain, type monitor est en vue, nous faisons cap dessus, aussitôt il fait demi-tour et fuit à toute allure. Un voilier 4 mâts est aussi en vue, il bat pavillon américain, nous ne l'arraisonnons pas. Vers 11 h nous croisons un vapeur battant pavillon italien, nous échangeons des signaux avec lui. Ce midi, bœuf bouilli pommes de terre, confitures et jus. L'heure est retardée de 11 minutes. J'ai le quart de 14 h à 17 h. Pendant mon quart nous croisons un vapeur américain, il est peint tout en blanc. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, nouilles. Vers 18 h la vigie avant signale deux bateaux par tribord, dont un vapeur et l'autre un voilier 4 mâts. Vers 18 h 30 la même vigie signale deux autres sur l'avant. Nous laissons les premiers et faisons cap sur les autres. Le premier que nous croisons est un cargo où plutôt un bateau mixte battant pavillon américain. Le deuxième est un bateau phare. La vigie signale une terre par bâbord puis un vapeur à droite de la terre, après avoir échangé des signaux avec le bateau mixte américain nous changeons de cap pour nous diriger sur le nouveau en vue. Nous croisons celui-ci à la tombante, c'est un genre de transport battant pavillon américain, nous échangeons des signaux avec lui puis faisons demi-tour. La terre signalée par la vigie se distingue très mal, je ne crois pas que ce soit une terre, il est vrai que le temps n'est pas clair au large. Il fait beau temps, les vents sont faibles. Il fait aussi déjà très chaud dans les batteries, aujourd'hui le soleil tape durement ses rayons sur le pont. Un bœuf est abattu ce soir. J'ai le quart de minuit à 3 h au servomoteur.

 

Le mercredi 9 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Je suis réveillé à 3 h 30 pour les treuils, nous arraisonnons un cargo battant pavillon italien. Ce midi bœuf bouilli, pommes de terre, confitures et jus. J'ai le quart de 11 à 14 h. Tir au tube de 13 h 30 à 14 h 30. De dessus le pont je vois deux gros requins, ils sont énormes. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au lait. A 17 h 30 nous croisons un voilier, 3 mâts, battant pavillon norvégien. Il porte deux pavillons peints sur ses flancs plus l'inscription "Clyde-Norge". Nous échangeons avec lui des signaux, puis un officier parle en anglais avec le commandant du voilier qui lui répond également en anglais. Ce soir j'ai le quart de 21 h à minuit servomoteur. Un bœuf est abattu pour demain.

 

Le jeudi 10 août 1916.

Branle-bas à 6 h. J'ai le quart de 7 à 11 h. Ce midi, bœuf bouilli fayots blancs, riz au lait, jus. Vers midi 30, nous arraisonnons un cargo norvégien, il a 4 mâts et une cheminée, il a deux pavillons norvégiens peints sur ses flancs et porte l'inscription "Imo-Norge"et sur sa cheminée les lettres S.P. Ce soir ragoût de bœuf macaronis, fromage. Un bœuf est abattu pour demain. Nous croisons un cargo battant pavillon norvégien dans la soirée, il a 3 mâts et une cheminée, il porte ses couleurs nationales sur les flancs avec l'inscription "Lille-Norge". Nous échangeons des signaux avec lui puis nous continuons notre route. J'ai le quart de 17 à 21 h. Vers 22 h l'escadre américaine est en vue, nous faisons demi-tour pour ne pas la gêner dans ses évolutions, car elle fait ses manœuvres.

 

Le vendredi 11 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Je suis réveillé à 2 h 45 j'ai le quart de 3 à 7 h. Vers 8 h nous croisons un pétrolier battant pavillon anglais, nous échangeons des signaux avec puis nous reprenons notre route. Ce midi bœuf bouilli, pommes de terre, fromage et jus. Depuis longtemps je n'ai vu un temps aussi clair que ce midi, la mer est belle avec ça, un peu de houle mais ce n'est rien. J'ai le quart de 14 à 17 h. Ce soir ragoût de bœuf et singe au fayots blancs, riz au lait. Un bœuf est abattu ce soir pour demain. Ce soir en prenant le frais sur la plage avant, je suis assis avec quelques collègues quand notre attention se porte à découvrir les tortues de mer, nous en apercevons trois et très jolies mais sitôt dans le sillage du navire elles plongent. Un officier tire un coup de fusil sur une mais ne l'atteint pas, les deux autres ont plongé avant d'être à portée, heureusement! . J'ai le quart de minuit à 3 h.

 

Le samedi 12 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Il pleut ce matin. Le temps n'est pas si clair qu'hier. Nous avons les vents arrière. Un pétrolier est en vue dans la matinée, nous le croisons vers 11 h, c'est un américain, 3 mâts et une cheminée, nous échangeons des signaux avec lui puis repartons. Ce midi, bœuf rôti, fayots blancs, confitures et jus. J'ai le quart de 11 h à 14 h. Nous croisons un croiseur anglais vers midi 30, nous stoppons, le commandant va à bord, nous repartons vers 13 h 30. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, nouilles. Le temps n'est pas clair du tout ce soir, la brume étant son épais manteau à 2 milles à la ronde. Vers 19 h, nous croisons un voilier 3 mâts américain, nous passons à 50 mètres de lui et parlons par porte voix. Vers 20 h 30 nous croisons un cargo, les projecteurs sont braqués dessus, nous échangeons des signaux de scott avec lui, ce cargo est un hollandais. J'ai le quart de 21 h à minuit au servomoteur.

 

Le dimanche 13 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Ouf! .. Encore une semaine de plats de terminée, c'est pas malheureux ! ... Vers 6 h 30 nous croisons un cargo français, c'est la "Ville de la Réunion"de la Compagnie Havraise et Péninsulaire. Nous passons près de lui et lui parlons par porte voix. Il vient de New-York où il a pris un chargement d'acier pour obus. Nous le quittons ayant communiqué suffisamment avec lui. Un autre cargo est en vue. Vers 8 h 30 nous croisons celui-ci, c'est un norvégien. Vers 9 h 30 nous changeons le cap, la vigie signale un cargo par bâbord, nous l'arraisonnons, c'est un grec. Ce midi morue grillée, pommes de terre, fromage et jus. J'ai le quart de 7 h à 11 h. La terre est en vue vers 16 h. Ce soir ragoût de mouton, haricots blancs, confitures. J'ai le quart de 17 h à 21 h. Les vents se sont levés cet après-midi et sont déjà très forts, la mer a aussi changé son attitude, du calme elle est devenue moutonneuse, on y voit d'immenses troupeaux de vagues blanches, aussi le navire commence à danser; En quittant le quart à 21 h je monte sur le pont, je manque d'être bousculé par le vent. Un cargo est devant nous, depuis un moment ou les faisceaux des projecteurs sont braqués dessus pour le reconnaître. C'est un anglais, aussitôt reconnu par son signalement nous repartons dans notre direction. Un bœuf a été abattu ce soir.

 

Le lundi 14 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h. Les vents sont toujours très violents et le navire tangue et roule, la mer n'est pas démontée mais elle est loin d'être calme. Ce midi bœuf bouilli, fayots blancs en salade, fromage et jus. Nous croisons un ravitailleur américain vers midi. J'ai le quart de 14 à 17 h. Dans l'après-midi nous croisons un paquebot anglais, de loin il semblait armé, le poste de combat a été sonné et tenu jusqu'à ce qu'il soit reconnu. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au four. Vers 18 h nous croisons un deuxième ravitailleur américain. J'ai le quart de minuit à 3 h. Un bœuf est abattu ce soir.

 

Le mardi 15 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Il fait un temps calme ce matin. Ce midi bœuf bouilli fayots blancs, fromage et jus. J'ai le quart de 11 à 14 h. Ce soir ragoût de bœuf aux macaronis, confitures. Depuis 15 h nous avons augmenté l'allure, de 50 tours à 78 tours et avons quitté la croisière de New-York pour faire cap sur les Bermudes. Un bœuf est abattu ce soir. Nous apercevons un petit voilier dans la soirée. J'ai le quart de 21 h à minuit au servomoteur. Nous faisons cap à 15°-S.E. Rien à l'horizon à minuit.

 

Le mercredi 16 août 1916.

Branle-bas à 6 h. La mer est très calme ce matin. J'ai le quart de 7 à 11 h. Ce midi bœuf bouilli fayots blancs, fromage et jus. Visite sanitaire mécaniciens et chauffeurs du 3^ème quart. Vers 13 h nous croisons une bouée isolée en mer, nous faisons demi-tour pour la relever après l'avoir dépassée de près de 5 à 6 milles. Un bateau est en vue par tribord. L'heure est avancée de 17 minutes. Exercices divers pour les hommes du pont. Vers 13 h 45 la bouée est près du bord, nous stoppons, une baleinière est mise à la mer, un homme accroche une corde pour la hisser à bord. C'est une énorme bouée avec un système d'avertisseur pour mauvais temps, système beuglant. Elle est hissée à bord avec un crochet des sapeurs à bâbord, elle porte un bout de chaîne et trois lettres LV/N. Le bout de chaîne a environ 6 à 7 mètres de long. Cette bouée vient d'une entrée de port quelconque sur la côte d'amérique, elle s'est désemparée et partie en dérive avec les courants. Pendant que le navire est stoppé, il y a une quantité d'amateurs à la pêche car le poisson ne manque pas ici, c'est sans doute la bouée qui les attire. Il y a aussi des requins, des peaux bleues femelles du requin. Mon divertissement cet après-midi consiste à faire la pêche aux requins avec les collègues, nous n'avons pu en prendre qu'un seul faute d'appétit, j'ai tiré sur la ligne comme tous les hommes qui se trouvaient sur la plage avant, je puis même écrire que je n'ai jamais rien vu monter aussi vite sur le pont comme ce requin, là il n'y avait pas de fainéant pour l'arracher de l'eau. C'est un beau (Jean-Louis) comme nous surnommons les requins, il a près de 2 mètres de long. Nous en avons vu bien d'autres mais ils n'ont pas mordu sur la ligne faute d'appétit. Enfin après la pêche j'assiste à la découpé du requin. Il y a bonne pêche par ailleurs, bonne friture. Vers 15 h 30 nous repartons. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au lait. Un bœuf est abattu ce soir. J'ai le quart de 17 à 21 h. A 21 h rien à l'horizon, il fait un temps superbe.

 

Le jeudi 17 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h. La mer est très belle ce matin, nous tournons 80 tours. Ce midi bœuf bouilli fayots blancs en salade, riz au lait et jus. J'ai le quart de 14 à 17 h servomoteur. Les pendules sont avancées de 10 minutes. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, nouilles à l'eau. A 17 h 30 nous jetons l'ancre en rade d'Hamilton, Îles Bermudes. Un courrier vient de terre, il y a une vingtaine de lettres en tout pour tout le bord. Encore 295 h 45 de mer.

 

 

Ville d''Hamilton?

 

Le vendredi 18 août 1916.

Branle-bas à 4 h. Embarquement de charbon par les moyens du bord. Il est puisé dans 2 chalands et dans un cargo charbonnier qui arrive vers 7 h 30. Il arrive aussi deux courriers dans la matinée mais il n'y a rien pour nous. Ce midi, morue bouillie, haricots blancs en salade, riz au lait fromage et jus. Je suis exempt de charbon. Travaux divers à l'atelier. L'embarquement de charbon continue cet après-midi. Ce soir singe fayots blancs, confitures et fromage puant. Bas l'ouvrage à 6 h. Il fait très chaud et un orage épouvantable.

 

Le samedi 19 août 1916.

Branle-bas à 4 h. La séance de charbon continue à 5 h. Vers 10 h l'embarquement est terminé, les chalands ne sont pas vides. Ce midi ragoût de bœuf et singe fayots blancs, fromage et jus. L'embarquement de charbon est terminé à 18 h. Permissionnaires 2^ème division de 18h à 21h. Nous avons embarqué 850 tonnes. L'orage continue, il pleut à torrent. Ce soir ragoût de bœuf, confitures.

 

Le dimanche 20 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Briquage de bancs et tables. Lavage du navire, volontaires pour la messe, permissionnaires 1ère division de 8 à 11 h. Ce midi bœuf rôti, fayots blancs en salade, riz au lait et jus. Concert à bord cet après-midi. Des marins anglais du H.M.S. "ISIS"viennent assister à la représentation. Je ne sais de quelle part ils ont été invités mais à mon avis ils auraient mieux fait de les laisser à leur bord car pour les recevoir pareillement, c'est lamentable. Ces marins n'ont pu trouver que les grimaces de certains numéros comiques pour se distraire, par ailleurs, rien même pas visiter le bord. Enfin! .. Est-ce l'argent ou je ne sais quoi mais hélas? . Ce soir ragoût de bœuf aux carottes, confitures. Permissionnaires 3^ème division de 14 à 18 h. Changement de hamacs pour les deux bordées.

 

Le lundi 21 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Briquage de bancs et tables, lavage de linge, des hamacs, des grands sacs, jusqu'à 8 h 30. Ce midi, rôti de porc fayots blancs, fromage puant. Je suis de service aux treuils aujourd'hui. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, confitures. Permissionnaires 4^ème division de 17 à 21 h.

 

Le mardi 22 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Aujourd'hui il y a une promenade militaire qui consiste à faire une vingtaine de kilomètres. Les hommes désireux d'y prendre part se sont fait inscrire il y a quelques jours, comme de juste raison mon nom est sur la liste. Le départ du bord est à 7 h, nous sommes emmenés à terre avec le vapeur puis la petite troupe s'avance dans les terres, nous sommes une soixantaine munis de vivres pour ce midi. Il y a 25 km à parcourir aller et retour. Nous nous rendons au terminus de notre promenade, il est 10 h 30. C'est à ce moment que commence à s'ouvrir les yeux toute la compagnie, il y a en vérité de merveilleuses choses à visiter. C'est ces fameuses grottes qui m'avaient été vantées il y a quelques mois. Je ne veux pas en décrire les moindres détails car je serais tenté d'écrire toujours quelques chose, je n'en finirai plus, je veux simplement écrire que je n'avais jamais vu aussi merveilleux, rien d'aussi original, on croirait être dans certaines habitations où les fées sont les seules âmes qui connaissent les profondeurs de ces grottes. Nous en visitons deux sur trois. La dernière a été découverte il y a seulement 8 ans. après la visite des grottes nous prenons le déjeuner champêtre puis la sieste à l'ombre des grands sapins. Enfin vers 14 h nous reprenons la route du retour en chantant les refrains les plus entraînants. Comme repas nous avons eu du singe froid, sardines à l'huile, confitures, fromage, vin et café. Il fait très chaud, la marche est fatigante. Enfin nous sommes à bord à 17 h 30. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au lait. A bord il y a eu service du dimanche. Permissionnaires 3^ème division de 9 à 11 h. En arrivant à l'embarcadère nous avons pêché une pieuvre assez grosse, elle avait plus d'un mètre d'envergure, nous l'avons rapportée à bord après lui avoir retourné le bonnet. Il fait très chaud dans les batteries cette nuit.

 

Le mercredi 23 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Travaux divers à l'atelier. Ce midi, bœuf rôti fayots blancs, riz au lait. Tir au fusil pour les mécaniciens et chauffeurs cet après-midi. Nous sommes placés sur la plage avant, des buts ont été mouillés en rade et nous les prenons pour cibles. Un de ces buts est désigné pour le tir au fusil et le deuxième pour les tirs de mitrailleuses qui sont placées près de nous. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, confitures. Nous adoptons le système d'antennes de T.S.F.. qu'a les Anglais. Permissionnaires 2^ème division de 16 h 30 à 21 h.

 

Le jeudi 24 août 1916.

Branle-bas à 4 h 30. Corps de débarquement va à terre faire des tirs et exercices. La T.S.F. est montée ce matin. Embarquement de combustibles divers, de bœufs et vivres de toutes sortes. Ce midi, bœuf rôti fayots blancs, fromage et jus. Une fête est créée par les soldats canadiens près de Hamilton, des invitations sont venues à bord, les volontaires partent à midi 30. Permissionnaires 3ème division de 16 h 30 à 20 h 30. Je descends à terre faire une partie de football. L'équipe "Marseillaise" se rencontre avec l'équipe H.M.S."Melbourne"qui bat la première par 4 buts à 1. En rentrant à bord nous mangeons. Ragoût de bœuf aux carottes, confitures.

 

 

 

Le vendredi 25 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Lavage de linge, briquage de bancs et tables jusqu'à 7 h 30. Ce midi ragoût de bœuf aux pommes de terre, riz au lait. Je suis de service aux treuils aujourd'hui. Ce soir jambon purée, fromage. Je reste encore jusqu'à 23 h 30 pour le service des treuils.

 

Le samedi 26 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Je suis réveillé à 4 h pour les treuils. Inspection du commandant au poste de combat. Mécaniciens et chauffeurs en blanc de chauffe propre, hommes du pont en gris propre. Exercice d'évacuation rapide, toutes les embarcations sont mises à l'eau et l'équipage prend place dedans. Bancs et tables sont montés sur le pont pour cet exercice et figurent comme appareils flottants. Enfin à midi tout est rembarqué et terminé. Ce n'est pas trop tôt, pour moi mon avis est d'avoir assisté à une véritable pagaille. Permissionnaires 1^ère division à Hamilton de 14 h à 18 h. Je descends à terre avec l'équipe des sports de 15 h 30 à 19 h 30. Nous rencontrons sur le terrain de foot avec une équipe de marins de la défense fixe des Bermudes. Cette équipe est excellente et bat la nôtre par 3 buts à 0. Ces joueurs jouent très dur. La partie a été toujours dominée. Il fait très chaud dans les batteries, il n'y a pas moyen de se reposer, on nage dans la sueur aussitôt couché dans son hamac, pourtant tous les sabords sont ouverts.

 

Le dimanche 27 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Permissionnaires pour la messe de 8 h à 11 h. Volontaires pour la messe. Ce midi bœuf bouilli fayots blancs, fromage. Permissionnaires 2^ème division de 14 h à 18 h. Je descends à terre, les équipes de foot du bord se rencontre sur le terrain pour faire un match amical, ou plutôt d'entraînement. La deuxième est battu par la 1^ère par 6 buts à 0. Ce soir ragoût de bœuf, pommes de terre, confitures.

 

Le lundi 28 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Lavage de linge, briquage de bancs et tables jusqu'à 7 h 30. L'eau fait toujours défaut, il faut laver sans eau, quel triste métier que d'être matelot. Ce matin un courrier venant d'Halifax nous apporte des lettres, je reçois quelques nouvelles de ma famille, cela console un peu. Ce midi, pommes en robe, fromage et jus. Cet après-midi le "Bermudian"venant de New-York nous apporte lui aussi des lettres, celles-ci sont parties longtemps avant celles de ce matin, enfin l'essentiel est de les avoir. Ce soir ragoût de bœuf aux fayots blancs, confitures. Embarquement de vin ce soir. Le H.M.S."Caesar" fait des tirs aux tubes en rade ce soir.

 

Le mardi 29 août 1916.

Branle-bas à 5 h 15. Allumage des feux à 7 h. A 11h appareillage. Ce midi ragoût de bœuf aux haricots blancs, fromage puant. J'ai le quart de 14 h à 17 h au servomoteur, je suis du 3^ème quart. Cet après-midi nous mettons deux buts à l'eau et commençons des écoles à feux. A 9 et 10 milles un remorqueur anglais est à distance des buts comme appréciateur. Il fait une chaleur étouffante. Il fait un temps très beau, la mer est calme, très peu de vent. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre, confitures. J'ai le quart de minuit à trois heures. Pas moyen de dormir il fait trop chaud dans les batteries, c'est un bain de sueur dans le hamac.

 

Le mercredi 30 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Nous arraisonnons un vapeur battant pavillon américain, c'est un tout petit on croirait un remorqueur, c'est le: "W.S. Taylor" Boston. C'est un ravitailleur boche maquillé, mais nom armé, du premier coup il nous a paru suspect en ne répondant pas bien au premier signal, puis pendant la perquisition on a trouvé à son bord un chargement de charbon pour soi disant ravitailler un cargo norvégien, enfin étant suspect nous donnons ordre à son commandant de nous suivre et l'emmenons aux Bermudes et laissons aux anglais le soin de le séquestrer puis nous reprenons notre croisière. Dans la matinée on vient me chercher pour travailler au servomoteur, un accident matériel étant arrivé pendant le quart de 3 à 7 h, c'est moi qui attrape la corvée du démontage. Je mange aux rations ce midi pour continuer ce travail que je termine à 17 h 30 après passablement de peines. Ce midi ragoût de singe haricots blancs, fromage et jus. L'heure est retardée de 5 minutes. Ce soir, jambon haricots blancs, riz au lait. Vers 19 h nous arraisonnons un cargo norvégien, il a une cheminée et porte 2 pavillons sur ses flancs avec l'inscription: "Theodor-William" Norge. La nuit tombe pendant que les officiers opèrent la perquisition à bord. J'ai le quart de 21 h à minuit. Il fait très chaud.

 

Le jeudi 31 août 1916.

Branle-bas à 6 h. Un bœuf est abattu ce matin. Un cargo est en vue, nous l'arraisonnons vers 7 h 30, c'est un grec. J'ai le quart de 7 à 11 h. Ce midi bœuf bouilli pommes de terre, fromage et jus. L'heure est retardée de 15 minutes. Dans l'après-midi, exercices divers pour les hommes du pont. La mer est assez belle, une légère houle, mais il fait chaud. Ce soir ragoût de bœuf aux pommes de terre et carottes, nouilles. J'ai le quart de 17 à 21 h. Il fait toujours beau mais la nuit est très noire à 21 h. Vers minuit un feu de navire est aperçu, il est très loin et nous ne nous en occupons pas. Un bœuf a été abattu pour demain.