Juin 1917

Le vendredi 1^er juin 1917.

J'ai dormi sur le pont cette nuit, il fait un peu plus frais qu'en bas. De 10 h à midi nous longeons la côte par bâbord. Ce doit-être la terre de Cuba. Les trois machines tournent 40 tours pendant ce moment et après il n'y a que la centrale qui tourne 30 tours.

 

Le samedi 2 juin 1917.

Cette nuit j'étais couché sur le pont, au frais, comme j'avais déjà pris cette habitude, j'étais bien mais vers 2 h il a fallu déguerpir en vitesse. Il est passé un grain qui a inondé le bâtiment, naturellement ceux qui comme moi se trouvaient sur le pont se sont trouvés arroser. Nous croisons quelques cargos dans la journée. Vers 10 h les trois machines tournent 50 tours. A 18 h, elles tournent 65 tours. Nous changeons de direction et avons presque vent de bout. La mer est toujours très calme.

 

Le dimanche 3 juin 1917.

Dès 4 h je suis levé, je n'ai pas dormi sur le pont, le temps n'était pas sûr hier au soir. De midi à 13 h nous croisons un petit voilier battant pavillon anglais, une baleinière est mise à l'eau pour arraisonner ce voilier. Vers 18 h on voit la terre par bâbord. Nous croisons un cargo battant pavillon anglais. De 19 h à 20 h, nous croisons un bateau mixte ayant les couleurs danoises peintes sur ses flancs avec son nom. Nous faisons du scott avec lui, puis les projecteurs sont braqués dessus. Un projecteur de la hune avant est braqué sur le pavillon de notre bâtiment pour faire reconnaître notre nationalité. Quand nous l'avons aperçu, il avait tout ses feux allumés. Depuis la guerre il est le premier que je vois ainsi en mer avec tous ses feux allumés. A l'atelier, service du dimanche à partir de 14 h. J'en profite pour mettre un peu d'ordre dans mon sac.

 

Le lundi 4 juin 1917.

A 4 h debout, il fait trop chaud en bas. La mer est belle, nous avons vent de bout. Lavage de linge, briquage de bancs et tables. De 11 à 14 h, nous apercevons la terre par tribord. C'est une terre assez haute dont je ne connais pas le nom. Il tombe plusieurs grains dans la journée.

 

Le mardi 5 juin 1917.

Branle-bas à 6 h. Depuis 4 h je suis levé, il fait trop chaud en bas. La terre est en vue par tribord de 8 à 14 h. Je fais le quart machine bâbord pour remplacer un quartier-maître qui est tombé malade. Je suis du 2ème quart et fais 11 à 14 h. La terre est en vue par bâbord dans la soirée. L'heure est avancée de une heure. J'ai le quart de 21 h à minuit.

 

Le mercredi 6 juin 1917.

Branle-bas à 6 h. J'ai le quart de 7 à 11 h. La mer est belle mais il pleut sans cesse. Entre deux grains le soleil est très chaud. A 13 h conférence médicale par Mr le docteur, concernant les Antilles. J'ai le quart de 17 à 21 h. L'heure est avancée de 7 minutes.

 

Le jeudi 7 juin 1917.

Je dors dans mon hamac sur le pont, je ne puis plus résister dans les batteries. J'ai le quart de 3 à 7 h. Nous arrivons au mouillage et jetons l'ancre au fond de la rade de Fort de France, il est 7h. L'heure est avancée de 5 minutes. Nous sommes mouillés très loin de terre, "L'Amiral-Aube", le "Jeanne D'arc", le "Friand" et plusieurs chalutiers dragueurs sont dans l'enceinte de la rade o? en face Fort de France. Dans la matinée des chalands de charbon sont amenés le long du bord et la séance commence. Embarquement de charbon par les moyens du bord. Je suis de relève du vapeur 2 de 11 h à 14 h. Il pleut toute la journée. Pas de permission. Le charbon finit très tard, branle-bas du soir à 20 h. Les doudous sont admises à bord pour vendre des fruits et du tabac. Le midi de 10 à 14 h et le soir de 16 h 30 à 18 h 30. Les blanchisseuses sont venues en grand nombre. Il y a sieste jusqu'à 14 h.

 

Le vendredi 8 juin 1917.

Branle-bas à 5 h 15. Il pleut encore ce matin. Embarquement de charbon, même programme qu'hier. Je suis exempt de charbon. J'ai la relève de 11 à 14 h dans la vedette du Commandant. Paiement de l'équipage dans la matinée. Je touche 80 francs. Embarquement de charbon l'après-midi. Pas de permission.

 

Le samedi 9 juin 1917.

Je suis réveillé à 3 h pour l'allumage du vapeur 1. Je reste toute la journée dedans. Embarquement de charbon terminé dans l'après-midi. Pas de permission.

 

Le dimanche 10 juin 1917.

Armement du vapeur 1 le matin et de la vedette du Commandant l'après-midi. Nous sommes prévenus qu'un courrier doit partir pour la France. Propreté générale. Messe à bord dans la matinée, par Mr l'Aumônier du "Jeanne D'arc". Permissionnaires 1ère division de 8 à 11 h à Fort de France. La tenue est en blanc, vareuse dans le pantalon et casque. Il pleut souvent dans la journée.

 

Le lundi 11 juin 1917.

Propreté générale en vue de l'inspection de L'Amiral demain. Permissionnaires 4ème division de 15 h 30 à 19 h. Je descends à terre et rentre à 19 h après avoir passé 3 h en compagnie d'un ami du "Jeanne D'arc". Cinéma à bord de 19 h 30 à 21 h 30.

 

Le mardi 12 juin 1917.

Je suis réveillé à minuit, j'ai minuit à 3 h condensation bâbord. Je suis du 3ème quart d'allumage. Les feux sont allumés à minuit. Appareillage à 5 h. Nous laissons la terre par tribord. J'ai le quart de 11 à 14 h et de 21 h à minuit. Il fait assez beau mais très chaud. Les machines tournent 96 tours.

 

Le mercredi 13 juin 1917.

L'allure est diminuée, les machines ne tournent plus qu'à 74 tours. J'ai le quart de 7 à 11 h. Dans la matinée nous croisons le "Pérou" paquebot de la C.G.T. Nous marchons avec lui jusqu'au soir. Il emporte le courrier pour la France et un contingent de jeunes recrues des Antilles. J'ai le quart de 17 à 21 h. Vers 20h nous diminuons l'allure, les machines ne tournent plus que 65 tours. Je dors dans mon hamac sur le pont, il fait trop chaud en bas dans les batteries.

 

Le jeudi 14 juin 1917.

Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h. Il fait beau, sauf une petite houle de fond qui fait rouler le navire. Vers 15 h, nous croisons un voilier arborant le pavillon américain, c'est un trois mâts, nous échangeons des paroles par porte-voix puis une de ses embarcations vient à bord. Nous lui donnons des vivres et de l'eau puis nous continuons notre route. Ce voilier à 131 jours de mer. J'ai le quart de 14 à 17 h, condensation.

 

Le vendredi 15 juin 1917.

J'ai minuit à trois heures puis 11 à 14 h. A 15h nous jetons l'ancre en rade de Fort de France. Embarquement de charbon, eau, vivres. Nous sommes mouillés au même endroit que l'autre fois.

 

Le samedi 16 juin 1917.

Embarquement de charbon. Je ne suis pas exempt aujourd'hui. Je suis de relève du vapeur. L'embarquement de charbon est terminé le soir. Permissionnaires 1ère division de 16 à 19 h à Fort de France.

 

Le dimanche 17 juin 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Permissionnaires 4^ème division de 8 à 11 h. Un ordre arrive, nous allumons les feux vers 14 h. Embarquement de charbon. Nous appareillons à 18 h avec les chalands de charbon le long du bord. Nous sortons ainsi de la passe. Nous stoppons devant la Savane et continuons l'embarquement jusqu'à ce que les chalands soient vides. A 21 h 30 nous partons. J'ai le quart de 21 h à minuit. L'équipage n'a soupé que lorsque l'embarquement de charbon a été terminé à 20 h 45.

 

Le lundi 18 juin 1917.

J'ai le quart de 7 à 11 h. Vers 8 h nous croisons un bateau arborant le pavillon anglais. Lavage de linge, briquage de bancs et tables. La mer est assez belle.

 

Le mardi 19 juin 1917.

A 2 h 45 je suis réveillé, 3 à 7 h condensation bâbord. Rien de nouveau, il fait toujours beau temps mais il fait chaud. Nous avons les vents par bâbord avant. J'ai le quart de 14 à 17 h.

 

Le mercredi 20 juin 1917.

Branle-bas à 6 h. Le soleil est très chaud. La mer toujours belle. J'ai le quart de 11 à 14 h et celui de 21 h à minuit. L'heure est avancée de une heure de 13 h 30 à 14 h 30.

 

Le jeudi 21 juin 1917.

J'ai le quart de 7 à 11 h. Les machines tournent toujours 74 tours. La mer est belle mais pas comme dans la mer des Antilles. J'ai le quart de 17 à 21 h. Rien en vue.

 

Le vendredi 22 juin 1917.

J'ai le quart de 3 à 7 h et 14 à 17 h. Il y a un peu plus de vent que d'habitude, il fait aussi un peu moins chaud.

 

Le samedi 23 juin 1917.

J'ai le quart de 11 à 14 h. Les vents sont plus fort qu'hier, la mer devient un peu houleuse. J'ai le quart de 21 h à minuit.

 

Le dimanche 24 juin 1917.

J'ai le quart de 7 à 11 h. Nous passons la ligne de l'équateur dans la journée. Pour la circonstance nous avons le double en vin et un dessert le soir. J'ai le quart de 17 à 21 h.

 

Le lundi 25 juin 1917.

J'ai le quart de 3 à 7 h. Lavage de linge, briquage de bancs et tables. Je suis de plat, j'ai commencé ma semaine hier midi. A 7 h 30 nous croisons un cargo arborant le pavillon Japonais. Nous échangeons avec lui des signaux puis continuons. Les vents sont devenus violents, ils agitent le navire qui roule et tangue passablement.

 

Le mardi 26 juin 1917.

J'ai le quart de minuit à 3 h. La mer n'est plus calme, elle est au contraire agitée, le navire se remue à ses caprices. Vers h je me trouve sur le pont au moment o- embarque un paquet de mer. Heureusement pour moi, j'ai trouvé un abri contre une tourelle, autrement j'aurai été renversé comme une cinquantaine qui se trouvaient là. J'ai le quart de 11 à 14 h et 21 h à minuit.

 

Le mercredi 27 juin 1917.

J'ai le quart de 7 à 11 h. Rien de nouveau, les vents sont toujours forts. Nous avons changé de direction depuis hier, nous faisons route sur le sud sud-ouest. Le navire roule toujours de plus en plus. J'ai le quart de 17 à 21 h.

 

Le jeudi 28 juin 1917.

Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h. La mer devient un peu plus calme. Il commence aussi à faire un peu moins chaud. J'ai le quart de 14 à 17 h.

 

Le vendredi 29 juin 1917.

Je suis de quart de minuit à 3 h et celui de 11 à 14 h. Ce soir 21 h à minuit même poste. La mer est presque calme aujourd'hui, il n'y a qu'une légère houle.

 

Le samedi 30 juin 1917.

Branle-bas à 6 h. A 6h la terre est en vue. Très bel aurore. Hier j'ai remarqué un superbe couché de soleil. J'ai le quart de 7 à 11 h. A 8h on jette l'ancre en rade de Rio de Janeiro. Nous saluons la terre, pas de permissions, sauf les officiers. J'ai le quart de 5 à 8 h, dynamo, service au mouillage. Je monte sur le pont après mon quart, la ville est toute illuminée, cela donne un beau coup d'œil.