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Mai 1917

Du 23 septembre au 6 mai 1917, divers appareillages et faits de bord nom intéressants puisqu'ils ne sont pas suivis.

Cher cahier je ne croyais pas te reprendre de sitôt mais aujourd'hui, j'ai comme la conviction que je quitte la France pour un assez long laps de temps, je me rapporte à toi afin que comme au passé tu témoignes un peu les passages de ma vie. Oh! je crois que ma plume ne te griffonnera pas pendant une année, puis d'ailleurs je ne serais pas bavard.

Départ de Brest le dimanche 6 mai à 13 h. J'ai le quart de 11 à 13 h3 0 dans le canot à vapeur. Nous franchissons la passe de la rade de Brest vers 13 h 15. La "La Gloire", le "Dupetit-Thouars" sont en rade et les marins de ces bâtiments se mettent au garde à vous, nous rendons les honneurs. La musique de la "La Gloire" joue la Marseillaise et le chant du départ. Sorti de la passe, les machines tournent 105 tours. Service en deux quarts. J'ai le quart de 17 à 23 h, à la machine condensation bâbord. L'heure est retardée d'une heure à 20 h.

 

Le lundi 7 mai 1917.

Je suis réveillé à 4 h 30, j'ai le quart de 5 à 11 h. La mer est un peu houleuse, il y a un nombre moyen de malades parmi l'équipage. Dans l'après-midi j'ai le quart de 14 à 17 h. Le service en trois quart est établi. Les machines diminuent leur allure de 105 à 90 tours. J'ai le quart de 21 h à minuit à la dynamo bâbord, 3ème quart. La mer est toujours houleuse.

 

Le mardi 8 mai 1917.

Branle-bas à 6 h, à 7 h je prends le quart jusqu'à 11 h à la dynamo bâbord. Nous avons à bord une mission que nous devons conduire en Amérique. J'ai le quart de 17 à 21 h à la dynamo. L'heure est retardée d'une heure dans l'après-midi.

 

Le mercredi 9 mai 1917.

Je suis réveillé à 2 h 45, j'ai le quart de 3 à 7 h. La mer est de plus en plus houleuse, le navire roule passablement et tangue un peu. Il y a toujours des malades. J'ai le quart de 14 à 17 h. En sortant du quart à 17 h je vois un cargo arborant le pavillon anglais.

 

Le jeudi 10 mai 1917.

A minuit je prends le quart jusqu'à 3 h. En quittant le quart, je monte sur le pont prendre un peu l'air. Rien dans la nuit. Branle-bas à 6 h. J'ai le quart de 11 à 14 h. Je lave mon linge dans le lavabo après mon quart. J'ai le quart de 21 h à minuit. L'heure est retardée d'une heure dans la matinée.

 

Le vendredi 11 mai 1917.

Branle-bas à 6 h. J'ai le quart de 7 à 11h. Il y a encore un peu de houle ce matin, mais beaucoup moins que les jours passés. J'ai le quart de 17 à 21 h. La mer est assez belle ce soir.

 

Le samedi 12 mai 1917.

Je suis réveillé à 2 h 45 pour prendre le quart de 3 à 7 h à la dynamo bâbord. La vie devient déjà monotone. Je ne marque pas les menus de chaque jour car j'écrirai toujours la même chose. Quart de 14 à 17 h.

 

Le dimanche 13 mai 1917.

A minuit je prends le quart à la dynamo jusqu'à 3 h. Depuis 3 jours nous avons des extras le midi, ce sont des offres de la France à ses marins. Ces offres consistent en conserves alimentaires, petit beurre et articles de fumeurs. Il ne revient pas grand chose à chacun mais ça change l'ordinaire. J'ai le quart de 11 à 14 h. Les vents reprennent et la mer devient éperlée. J'ai le quart de 21 h à minuit, il fait mauvais, l'allure des machines est diminuée pour ça de 90 à 60 tours.

 

Le lundi 14 mai 1917.

Il fait mauvais temps, les vents sont très forts, le panneau de descente milieu est consigné, nous marchons toujours doucement. J'ai le quart de 7 à 11 h. L'heure est retardée d'une heure dans l'après-midi. J'ai le quart de 17 à 21 h. Il fait toujours très mauvais, l'eau embarque sur le pont. Il y a de nouveaux malades, le navire roule et tangue sans arrêt.

 

Le mardi 15 mai 1917.

A 2 h 45, je suis réveillé, j'ai le quart de 3 à 7 h. La mer est toujours mauvaise, elle se calme un peu dans la matinée. J'ai le quart de 14 à 17 h.

 

Le mercredi 16 mai 1917.

J'ai le quart de minuit à 3 h. A 6 h branle-bas, j'aperçois la terre sur l'avant, on la distingue mal mais nous approchons toujours. A 7 h nous sommes à l'entrée d'un chenal, le pilote vient à bord. A h nous mouillons l'ancre dans l'entrée d'une rivière non loin de Norfolk (Virginie). Nous passons près du Dreadnought (sans-peur) américain "Arkansas", battant pavillon amiral. L'heure est retardée d'une heure. Cela nous fait 240 heures de mer depuis Brest. La mission débarque et va en visite à bord du bateau amiral, puis va à terre. Le navire amiral appareille dans l'après-midi. Service au mouillage, permissionnaires tribordais de 16 h 30 à 21 h. J'ai le quart de 20 à 23 h. Il y a de nombreux bateaux ici et un énorme trafic. Des remorqueurs traînent des pontons sur lesquels sont glissés des rames de train de chemin de fer, pour faire la traversée du fleuve.

 

Le jeudi 17 mai 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Les batteries sont un peu désinfectées, des mauvaises odeurs de renfermé, les sabords sont restés ouverts jour et nuit depuis l'arrivée au mouillage. Travaux divers à l'atelier. Permissionnaires 2ème division de 8 à 11 h, 4ème de 13 à 21 h. Étant de la 4ème je descends à terre tantôt. A terre je commence par changer de la monnaie. Le change est tel, qu'à la banque on nous donne 3 dollars pour 20 f. Je fais une petite promenade avec quelques copains et garde une bonne impression des villes que j'ai visitées. En général, les habitations sont construites en planches et toutes de formes variées ce qui agrémente beaucoup les routes. Chacune de ses maisons a l'aspect d'une villa ou d'un chalet. Dans le centre des villes il y a quelques grands bâtiments et maisons de commerce. Comme bâtiments municipaux, je n'en ai remarqué que quelques uns. Les tramways sont à tracteurs électriques, ils sont bien aménagés, confortable et atteignent une bonne vitesse. Je dîne à terre avec mes camarades, le repas nous revient à 55 cents chacun. A 21 h je rentre à bord après avoir savouré un bon cigare sous la douce brise qui vient du large pour caresser la terre.

 

Le vendredi 18 mai 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Embarquement de charbon, pas de permissionnaires. J'ai le quart de 23 à 2 h à la dynamo.

 

Le samedi 19 mai 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Embarquement de charbon. Il y a en tout 1650 tonnes de cardiff à embarquer par les moyens du bord. Nous en mettons dans des sacs et dans tous les endroits où il est possible d'en mettre. Pas de permission.

 

Le dimanche 20 mai 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Permissionnaires 1ère division de 8 à 11 h, 3ème de 12 h 30 à 18 h. J'ai le quart de 14 à 17h et 2 à 5h dans la nuit.

 

Le lundi 21 mai 1917.

Branle-bas à 5 h 30. Lavage de linge, briquage de bancs et tables jusqu'à 7 h 40. Permissionnaires 4ème division de 17 à 21 h.

 

Le mardi 22 mai 1917.

A 5 h 30 branle-bas. Même service que les jours précédents, travaux divers à l'atelier et propreté du bâtiment. Permissionnaires 1ère division de 17 à 21 h.

 

Le mercredi 23 mai 1917.

A 5 h 30 branle-bas. Permissionnaires 2ème division de 17 à 21 h.

 

Le jeudi 24 mai 1917.

Permissionnaires 3ème division de 17 à 21 h.

 

Le vendredi 25 mai 1917.

A 5 h 30 branle-bas. Lavage de linge jusqu'à 7 h. Vers 7 à 8 h nous allumons les feux. A 12 h appareillage. Nous quittons la rade de Hampton Roads et prenons le large. Je suis exempt de quart pour travailler.

 

Le samedi 26 mai 1917.

Branle-bas à 6 h. Rien de nouveau en mer, celle-ci est belle, il n'y a pas de vent, nous avons le cap sur le sud-ouest.

 

Le dimanche 27 mai 1917.

Branle-bas à 6 h. Il fait déjà chaud dans les batteries, aussi depuis 4 h 30 suis-je levé pour respirer l'air frais du matin sur le pont. Dans la journée, le soleil se fait sentir. Rien de nouveau, il fait beau temps.

 

Le lundi 28 mai 1917.

Branle-bas à 6 h. La mer est toujours très calme il fait très chaud, je ne peux plus dormir dans mon hamac, aussi je me lève de bonne heure pour monter sur le pont. Lavage de linge, briquage de bancs et tables. Vers 18 h 30 nous apercevons un vapeur à l'horizon. Nous faisons demi-tour et le laissons passé.

 

Le mardi 29 mai 1917.

A 4 h 30 branle-bas de combat, un bateau est en vue. Nous l'approchons et communiquons avec lui. C'est un vapeur battant pavillon américain. Vers 5 h 30 la terre est en vue. A 7 h, nous stoppons un canot à vapeur va à terre, avec une baleinière qu'il remorque. Nous sommes stoppés en face d'une terre dite Îles Turques (Grandes Antilles). Nous ne mouillons pas l'ancre, il y a trop de fond. En face où nous sommes il y a une petite ville. Un pavillon français flotte sur une maison à terre, c'est la maison du consul. Nous restons toute la journée en face de cette île car nous attendons là des ordres. Vers 22 h la terre échange des signaux lumineux avec nous, une baleinière va à terre et revient avec les ordres puis nous appareillons.

 

Le mercredi 30 mai 1917.

Je me lève à 4 h ne pouvant plus résister dans les batteries. Il a pleut une partie de la nuit et il pleut encore. Rien à l'horizon. Les machines tournent très doucement, une cinquantaine de tours. Nous croisons plusieurs cargos dans la journée.

 

Le jeudi 31 mai 1917.

J'ai dormi toute la nuit dans mon hamac sur le pont. Dans la nuit on voit un feu par tribord. Dans l'après-midi nous croisons quatre cargos, un américain, anglais, danois, et un norvégien. La terre est en vue par bâbord. Les machines latérales sont stoppées, il n'y a plus que la machine centrale qui tourne 30 tours. La mer est belle mais il fait très chaud, nous avons vent arrière. Nous sommes en plein sous le soleil, à midi il est quelques degrés de la verticale, il n'y a pas d'ombre.

 

 

Date de dernière mise à jour : 14/09/2020

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